Fermes usines
“Mega-ferme” ou “ferme usine” sont des termes souvent utilisés par les ONG pour dénoncer le modèle agricole conventionnel et parfois comparer les élevages français aux grandes structures étrangères. Nous vous proposons de décrypter le concept et d’apporter quelques éléments de contexte pour comprendre la réalité du terrain, dans le Grand Ouest.
1. Qu’est ce que le concept de ferme usine ?
Le concept de “ferme usine” a été imaginé par des organisations non gouvernementales en opposition au modèle agricole conventionnel. Il se caractérise par des exploitations d’élevage de taille importante, non autonomes et en recherche de “maximisation de la productivité au détriment du bien-être animal et de l’environnement”. Les fermes usines ne représentent nullement les filières d’élevages françaises. Certaines ONG (associations non gouvernementales) basent leur approche strictement sur les seuils ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement), caricaturant la situation en France, allant même jusqu’à détourner les statistiques en indiquant par exemple que “1 % des exploitations françaises produisent les deux tiers des porcs, poulets et œufs produits en france”. La réalité, mesurée par le Recensement Agricole officiel de 2020 est toute autre : 16,7 % (et non 1 %) des exploitations concentrent 63,8 % du cheptel total.
2. Un élevage peut-il être une entreprise industrielle ?
En termes d’emplois, la quasi-totalité des exploitations d’élevages françaises sont dans la catégorie des TPE (très petites entreprises), c'est-à-dire employant moins de 20 salariés. Un élevage moyen de 250 truies fait vivre 2 à 3 personnes. La main-d'œuvre salariale représente 39 % de la main-d’œuvre totale dans les exploitations porcines spécialisées en France contre 51 % en Espagne et 77 % au Danemark1. Pour les adhérents Cooperl, le modèle est majoritairement familial puisque 6 élevages sur 10 ne font pas appel à la main-d'œuvre salariale.
En tout état de cause, le terme “usine” n’est pas approprié pour qualifier une activité d’élevage, non classifiée dans le secteur secondaire de l’économie. Quelle que soit sa taille, l’élevage reste une activité du secteur primaire dont la finalité consiste à transformer des ressources nourricières pour les besoins de notre souveraineté alimentaire. Un élevage de porc français de taille moyenne nourrit toute l’année une commune de 5 205 habitants2.
À l’avenir, le concept de ferme usine pourrait plutôt trouver du sens dans un secteur émergent qui consiste à produire des protéines de viande artificielle issues de “laboratoires”. Ce secteur, déconnecté du vivant, aucunement lié au sol et consommateur d’énergie, se trouve à l’opposé des attentes de beaucoup de consommateurs en recherche de produits naturels, locaux et respectueux des traditions.
1 Source : FADN 2018 , traitement IFIP
2 Source : modélisation à partir de l’outil www.perfalim.com sur la base d’un élevage de 190 truies produisant 4750 porcs charcutiers
3. Quelle est la taille moyenne des exploitations d’élevage en France ?
On compte environ 14 000 élevages de porcs sur le territoire français avec une taille moyenne de 246 truies. Ces exploitations, qui font vivre 2 à 3 personnes, sont de taille modérée comparativement aux pays voisins (1 240 truies en Espagne, 810 truies au Danemark et 770 truies au Pays-Bas). Le profil des adhérents de la Cooperl est conforme à ce descriptif. En plus de l’élevage, les exploitations des adhérents Cooperl disposent en moyenne de 99 hectares de polyculture, c'est-à-dire qu’ils cultivent plusieurs variétés de cultures alimentaires (blé, maïs, colza, orge…).
Ces exploitations, dites "familiales", transmises le plus souvent de génération en génération, sont tenues par des éleveurs propriétaires de leur activité. À ce titre, ils sont chefs d’entreprises et indépendants, contrairement aux élevages en Espagne ou aux États-Unis qui dépendent financièrement de sociétés privées, parfois multinationales. A titre d’exemple, la plus grande porcherie du monde, un projet démesuré inauguré en Chine en 2022 - près de 300 fois la taille d’un élevage français - est à l’opposé du modèle agricole défendu par la France.
4. Est-il vrai que les petites exploitations ont tendance à disparaître ?
Selon Agreste1, les exploitations spécialisées en élevage (porcins, bovins, volailles) ont diminué de 30 % entre 2010 et 2020 en France. Pour autant, la surface agricole utilisée sur le territoire ne recule que de 1 % depuis 2010. Ce phénomène s’explique entre autres, par la multiplication des GAEC (Groupement Agricole d’Exploitations en Commun). Ce statut juridique permet à des éleveurs de s'associer, partageant ainsi les tâches et les coûts. Les fermes sont ainsi plus grandes mais permettent aux éleveurs de travailler dans de meilleures conditions (gestion des week-ends et des congés, renforcement économique de la structure, investissements communs,...). Ces exploitations de taille supérieure sont parfois comparées - à tort - à des mégas-fermes. Rappelons pourtant que cette organisation2 permet seulement à plusieurs éleveurs de travailler dans une structure commune. Les véritables fermes usines ou méga-fermes ne se trouvent pas sur le territoire français qui a su préserver son modèle traditionnel familial.
1 Agreste : service de la statistique, l’évaluation et la prospective du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
2 Le statut GAEC est créé par la loi du 8 août 1962 et régi par les articles L. 323-1 à L. 323-16 et R.
5. Une exploitation non autonome est-elle une ferme usine ?
La notion de “hors-sol” et la dépendance aux intrants sont des caractéristiques souvent mises en avant pour qualifier les fermes usines. Dans la majorité des systèmes agricoles, mêmes extensifs, l’utilisation de fertilisants importés et/ou d’intrants alimentaires sont nécessaires. L’autonomie totale d’une exploitation agricole est une situation extrêmement rare. Comparés aux autres pays européens, les élevages porcins spécialisés en France ont en moyenne un lien au sol plus fort, c'est-à-dire qu’ils dépendent moins d’importations de matières premières végétales*. Les adhérents Cooperl sont de plus en plus liés au sol avec une SAU moyenne de 102 ha. Presque un producteur sur deux dispose d’une unité de FAF (Fabrication d’Aliments à la Ferme) sur son exploitation, avec une autonomie en céréales qui est de l’ordre de 50 %.
L’autonomie se caractérise aussi par la capacité à gérer sur ses terres les fertilisants organiques produits par les animaux. Avec la réduction des rejets liée aux progrès techniques, une exploitation moyenne dispose d’une autonomie d’épandage des fertilisants produits par son cheptel de plus de
60 %, les 40 % restants étant gérés de différentes manières possibles (voir question suivante).
* Source : Tech Porc Septembre - Octobre 2013 - n° 13
6. Les élevages ont-ils toujours un impact sur l’environnement ?
L’image de l’élevage hors sol polluant repose sur les excès datant des années 1970- 80, période de fort développement à l’origine de déséquilibres environnementaux. À cette époque, les enjeux quantitatifs ont encouragé le développement des filières. Depuis lors, les politiques publiques et l’amélioration des pratiques ont permis de gagner plusieurs batailles pour la reconquête de l’environnement. Beaucoup d’indicateurs le montrent :
- qualité de l’eau : la Bretagne est la région de France qui a connu la plus forte amélioration depuis 30 ans. La qualité de l’eau distribuée au robinet place la Bretagne en 5ème position sur les 12 régions,
- gaz à effet de serre (GES) : depuis 2015, le bilan carbone des élevages de porcs s’est amélioré de 13 %*et il continue de progresser dans la trajectoire des objectifs de plans de décarbonation.
Dans tous les cas, lorsqu’un exploitant ne dispose pas d’une autonomie d’épandage suffisante sur les terres qu’il cultive, de multiples solutions de gestion environnementale sont possibles, dont la plupart sont développées par Cooperl :
- transfert de fertilisants sur des parcelles mises à disposition par des exploitations voisines déficitaires, le plus souvent laitières,
- traitement dans des stations d’épuration,
- export sous forme solide, après raclage, en vue de produire du biogaz puis de l’engrais organique (technologie de raclage en V - Système TRAC).
Dans tous les cas, le respect du principe d’équilibre de la fertilisation, c’est-à-dire l’adéquation entre les engrais de ferme apportés au sol et les besoins des cultures, est strictement encadré par la réglementation. L’ensemble des solutions mises en place par nos adhérents et la coopérative pour limiter l’impact sur l’environnement sont consultables ici > Gérer l’environnement
* Source : Climagri - Référence Agribalyse 2015 : 2,54 kg.éq CO2 / kg de porc vs référence Cooperl : 2022 = 2,21
7. La réglementation est-elle efficace pour réguler l’activité d’élevage ?
Chaque exploitation agricole est contrôlée par la législation qui exige de tracer chaque année tous les flux d’azote entrants et sortants. Le régime des installations classées pour la protection de l’environnement impose également de justifier les mesures prises pour éviter et supprimer les impacts sur l’environnement.
De plus, pour les installations de plus grande taille, qui dépassent le seuil de 2 000 places d’engraissement ou 750 truies, une directive européenne impose des mesures strictes, avec des quotas d’émissions et des bilans d’évaluation de l’activité. Le regroupement des moyens de production dans des exploitations de taille supérieure permet de consacrer plus d’investissements dans des réponses technologiques garantissant une meilleure efficience environnementale (exemple : raclage en V, couverture fosses, nutrition de précision). Ces mesures sont regroupées dans un référentiel de “meilleures techniques disponibles” publié par l’Union Européenne.
8. Comment les éleveurs s’adaptent aux enjeux sociétaux d’aujourd’hui ?
Les éleveurs sont dans une dynamique constante de progrès. Par exemple, 88 % des éleveurs de la coopérative ont arrêté la castration des animaux pour une meilleure prise en compte de leur bien-être et 50 % s’inscrivent dans la démarche «Porc Sans Antibiotique». Plus récemment, le service efficience végétale de Cooperl a développé un projet pour réduire et même arrêter l’usage de produits phytosanitaires pour les cultures qui nourrissent les porcs. Enfin, les enjeux de décarbonation incitent les éleveurs à capter le méthane présent dans les lisiers pour éviter l’émission de GES, mais aussi de ne plus recourir à l’importation de soja issu de la déforestation. Toutes ces mesures sont structurées et portées par la démarche Solutions 2030 pilotée par la coopérative et ses adhérents.
9. Comment le bien-être au travail est-il pris en compte dans les élevages ?
La filière porcine compte plus de 130 000 emplois et un large éventail de professions. Au cœur même de notre coopérative, nous comptons pas moins 20 000 emplois favorisés par nos activités et plus de 5 000 emplois directs à la ferme. De quoi rendre attractifs nos territoires !
Et il n’y a pas que le bien-être animal qui compte…
L’Humain est au cœur des enjeux stratégiques de notre coopérative et à ce titre, nous travaillons tous les jours pour améliorer la qualité de vie au travail des adhérents et des salariés. 500 millions d'euros ont été investis par nos 4 600 adhérents sur les 10 dernières années afin de moderniser les bâtiments (luminosité des bâtiments, aménagement ergonomique,...)*. De la formation et l’accompagnement des jeunes adhérents en passant par la digitalisation des élevages et l’aménagement d’espaces dédiés au bien-être des salariés (salle de pause, douches,...), les efforts ont été considérables pour faciliter le quotidien et rendre captivant le travail en élevage.
* Source : étude interne Cooperl
10. Comment la coopérative accompagne les éleveurs vers la montée en gamme de leur production ?
À chaque étape des grandes préoccupations de notre société, Cooperl s’est toujours positionnée à l’avant-garde des pratiques agricoles pour répondre au mieux aux attentes des consommateurs et ainsi faire valoir la qualité de ses filières responsables.
- Engagement dès 1997 sur l’émergence d’une filière de porc nourris sans OGM (< 0,9 %)
- Pionnier de la démarche Porc Sans Antibiotique, avec le premier jambon lancé en France dès septembre 2014. Cooperl revendique son engagement pour une meilleure santé humaine et animale au travers du concept ‘One Health’, et son combat contre l’antibiorésistance grâce à la conception de filières Porcs Sans Antibiotique. Aujourd’hui, être leader mondial de la production de porcs sans antibiotique permet à Cooperl d’impulser une nouvelle donne dans les filières responsables, qui rime avec une meilleure santé pour tous.
- Emergence en 2020 d’une filière de porcs nourris avec des céréales cultivées sans pesticide. Parce que nous sommes convaincus que dans l’alimentation des porcs, les pesticides peuvent être réduits pour préserver la santé de tous, nous payons plus cher les agriculteurs qui nous livrent ce type de céréales, pour bâtir cette nouvelle filière (800 tonnes de céréales cultivées sans pesticide ont été récoltées en 2021).
- En 2021, Cooperl s’engage en signant le Manifeste contre l’importation de soja déforesté.
Le soja que nous importons est 100 % non issu de zones déforestées. Et les porcs nourris avec l'aliment Cooperl par notre branche Cooperl Nutrition consomment 2 fois moins de soja dans leur programme alimentaire que les autres porcs français.
Nos filières sont tout autant des laboratoires d’idées positives, qu’une réalité pour l’offre à destination des consommateurs et qu’une réalité économique vertueuse pour nos producteurs. Loin d’opposer les systèmes, nous croyons qu'élever des animaux au sein de nos filières responsables, c’est aussi choisir plus de naturalité, de soutenir le bien-être animal, la lutte contre l’antibiorésistance, de limiter le recours aux pesticides dans nos champs, et d’inventer des alternatives naturelles pour supprimer des conservateurs controversés… avec un seul objectif très concret : contribuer chaque jour à vous proposer des produits meilleurs pour votre santé, et pour notre écosystème global !