Algues vertes
Tous les élevages des adhérents Cooperl sont situés en France, dans le Grand Ouest, et 12 % de la production des élevages Cooperl se trouvent dans des bassins dits "algues vertes". Aussi, le sujet des algues vertes nous concerne tout particulièrement et nous travaillons depuis de nombreuses années à développer des solutions pour réduire notre impact.
1. Comment se développent les algues vertes ?
L’algue Ulva armoricana est naturellement présente sur les côtes françaises en raison :
- des baies avec eaux stagnantes : peu profondes, fermées et sans courant,
- certaines conditions météorologiques : forte luminosité, forte pluviométrie et températures estivales élevées.
Elle se développe de façon abondante en raison de la présence en quantité excessive d’azote, sous forme de nitrate*, et de phosphore pour leur croissance ; ce qui favorise le phénomène d’eutrophisation c’est-à-dire leur prolifération.
En Bretagne, toutes ces conditions sont réunies, et même amplifiées avec le dérèglement climatique. Il s’agit d’un phénomène multifactoriel, donc complexe à maîtriser, face auquel le monde agricole s’inscrit dans une logique de progrès depuis de nombreuses années.
*Dans le cycle de l’azote, les nitrates sont une forme oxydée de l’azote.
Pour en savoir plus : www.ceva-algues.com/document/mecanismes-et-causes-des-marees-vertes-a-ulves-derivantes ou www.algues-vertes.com
2. Pourquoi l’agriculture est-elle mise en cause ?
L’agriculture utilise des matières fertilisantes (azote et phosphore), provenant soit des déjections produites par les animaux, soit des engrais. Ces deux sources contribuent au phénomène de prolifération des algues vertes :
- L’azote agricole a des origines différentes : bovins (42 %), engrais chimiques (36 %), porcs (16 %), volailles (6 %)*.
D’autres sources d’azote sont à prendre en considération : dysfonctionnements estivaux de stations d’épuration dans les zones à forte pression touristique, rejets industriels, assainissements domestiques. Ainsi, les activités agricoles ne sont la seule activité humaine responsable du phénomène de prolifération.
Dans le cadre des plans de lutte contre la prolifération des algues vertes, les flux d’azote dans les cours d’eau sont considérés comme le principal levier sur lequel une action est possible pour diminuer les algues vertes.
- Le phosphore est issu des activités humaines. Des stocks se sont accumulés dans les sédiments depuis des décennies par les rejets urbains et agricoles. Ils sont relargués progressivement dans la mer. Compte tenu des stocks accumulés, la lutte contre les flux de phosphore ne peut éradiquer à elle seule le phénomène de prolifération des algues vertes.
*Source : DRAAF Bretagne 2018
3. Pourquoi y a-t-il autant d’algues vertes en Bretagne ?
La filière agricole bretonne représente 7 % de la surface agricole française. Elle produit à elle seule 57 % des porcs, un tiers des poulets de chair, 45 % des œufs et 20 % du lait… Pour nourrir la population française après guerre, l’activité agricole s’est fortement développée, les régions se sont spécialisées, notamment en Bretagne avec les activités d’élevages. Dans les années 1990, ce développement a conduit à une trop forte densité d’élevage pour trop peu de surfaces d’épandage disponibles.
La Bretagne abrite des milieux particulièrement sensibles du fait de son climat océanique et des caractéristiques des sols. Selon le Centre d’Étude et de Valorisation des Algues (CEVA), les algues vertes couvrent 0,11 % du littoral breton.
Les littoraux des Côtes d’Armor et du Finistère sont particulièrement touchés par les algues vertes mais ils ne sont pas les seuls concernés. Beaucoup de zones en France mais aussi sur le littoral mondial présentent ce même phénomène (Arcachon, La Baule, lagune de Venise en Italie, la région Qingdao en Chine, les côtes des îles antillaises (Cuba, Martinique)...). Dans certains cas, le phénomène est causé par l’urbanisation.
4. Quand le problème a-t-il été identifié ?
Le phénomène d’eutrophisation est survenu au début des années 1970 mais la prise de conscience de ce phénomène écologique ne s’est véritablement faite qu’à la fin des années 1990. Le monde agricole s’est alors organisé pour mettre aux normes ses pratiques (plan d’épandage, stockage de lisier) puis s’est orienté vers l’agriculture de précision.
Au fil des années, les éleveurs ont acquis de l’expérience et des connaissances scientifiques pour améliorer leurs pratiques. Le renforcement du cadre réglementaire a également permis de progresser.
5. Pourquoi n’est-il toujours pas résolu ?
Si l’amélioration des pratiques agricoles a un réel impact sur les teneurs en nitrates des cours d’eau, l’influence de cette baisse sur la prolifération des algues vertes n’est pas directe du fait de l’inertie des stocks de nitrates et de phosphates accumulés dans le milieu naturel au cours des activités humaines des 50 dernières années. Chaque effort consenti n’apporte des résultats visibles qu’au bout de 10 ans. Par ailleurs, ce phénomène multifactoriel peut être influencé par d’autres causes nullement liées aux activités agricoles : tempêtes hivernales, températures de l’eau, précipitations, ensoleillement, répartition des flux d’azote au cours de l’année du fait des précipitations…
6. Que fait la Cooperl pour lutter contre la prolifération des algues vertes ?
Depuis ces 20 dernières années, des améliorations considérables ont été réalisées en nutrition animale, pratiques de fertilisation et gestion des effluents ; aussi bien à l’échelle de l’élevage qu'au niveau des outils industriels de la coopérative.
À l’échelle de l’élevage
L’objectif est de maîtriser les flux d’azote dont les algues se nourrissent.
Rappelons tout d’abord que les élevages sont soumis à des réglementations très strictes, spécifiées dans le programme d’action national nitrate (PAN). Le cadre législatif français est l’un des plus stricts au monde. Il impose notamment :
- de déclarer les flux d’azote de l’exploitation,
- de respecter les périodes d’épandage définies, et les matériels et méthodes utilisés,
- de doser l’apport en azote selon les besoins des cultures.
Ces obligations permettent de garantir la transparence des pratiques des agriculteurs.
En plus de ce cadre légal, les pratiques des agriculteurs évoluent pour diminuer les rejets azotés, et Cooperl, référente de son secteur d’activité, les accompagne.
- L’arrêt de la castration, initié par Cooperl dès 2008 avec une dizaine d'années d’avance sur la réglementation, contribue à la diminution de la consommation d’aliments et donc à la réduction des rejets azotés. Plus de 88 % des adhérents Cooperl ont arrêté la castration.
- La gamme d’aliments Synaps est le fruit de plus de deux années de recherche & développement de la part des équipes Cooperl. Elle permet d’apporter le bon nutriment, en bonne quantité, au bon animal, au bon moment et réduit ainsi les rejets azotés jusqu’à 12 % par rapport aux normes en vigueur. Plus de 1300 sites d’élevages adhérents Cooperl sont utilisateurs de cette gamme d’aliments, bénéfique pour les animaux et l’environnement.
- L’épandage optimisé permet de garantir l’équilibre entre les apports par les effluents d’élevage et les besoins des cultures. Pour ce faire, les éleveurs font appel à des technologies de pointe comme le GPS, l’analyse instantanée de la valeur fertilisante des lisiers par capteur infra-rouge ou encore des logiciels connectés d’aide à la décision pour doser la fertilisation.
- Pour les exploitations qui souhaitent valoriser et étendre leurs pratiques en faveur de l’environnement, Cooperl propose des certifications environnementales : Charte Environnement Cooperl, Haute Valeur Environnementale, cultures sans pesticide ENVI (plus d’informations ici).
Grâce à nos outils
Nous avons développé deux approches pour capter la matière organique riche en azote directement depuis les élevages. La première date des années 90. Des stations de traitement de la matière organique ont été installées directement en élevages. De façon individuelle ou mutualisée entre plusieurs élevages, les lisiers sont collectés dans des ouvrages de stockage. Après une séparation des phases liquides et solides par réaction bactério chimique, puis vérification du taux d’abattement de l’azote, l’eau résiduaire qui respecte la norme peut être utilisée par les éleveurs pour l’irrigation de leurs terres. La phase solide, quant à elle, est acheminée jusqu’à notre pôle environnement de Lamballe où elle est séchée, compactée puis granulée. Nous obtenons ainsi des engrais organiques naturels concentrés et normés, nécessaires à la vie des sols de culture. Ces engrais sont ensuite exportés en France et dans le monde, sous la marque Fertival. À ce jour, 66 stations sont installées chez nos éleveurs et nous produisons ainsi 50 000 T d'engrais organiques par an.
Depuis 2012, la nouvelle technologie TRAC permet de récupérer la matière organique solide directement dans le bâtiment, avant même la formation du lisier. Cette innovation Cooperl aux multiples avantages (plus d’informations ici) nous permet d’alimenter notre méthaniseur collectif (voir question 11), le plus grand d’Europe sans épandage et sans nuisance, et ainsi de valoriser la matière organique de nos éleveurs tout en apportant une source d’énergie renouvelable à la communauté.
- 66 stations
- 400 000 m3 de matière organique traités
- 11 000 ha d'épandage évités
7. Pourquoi le modèle agricole ne semble-t-il pas changer ? Pourquoi continuer l’élevage dit “intensif” ?
Contrairement à l’image qui peut en être donnée, le modèle agricole dit “intensif” évolue constamment selon la réglementation (voir question n°9), l’une des plus stricte au monde, mais aussi selon ses marchés.
La production de viande de porc est un marché très concurrentiel sur lequel la pérennité des éleveurs n’est possible que s’ils sont compétitifs. Ainsi s’il existe une demande pour des produits avec des critères différenciants (Label Rouge, Bio, etc), la majorité des consommateurs restent encore acheteurs de produits standards.
De plus, le prix du porc en France ne peut s’éloigner trop fortement des prix pratiqués dans les autres pays d'Europe, ce qui contraint les éleveurs à toujours rester compétitifs en termes de prix. Les prix du porc en France sont connectés aux autres prix européens pour deux raisons :
- Une partie des pièces de découpe doit forcément être exportée, les Français ne consommant pas ou peu ces produits (oreilles, pieds, abats, etc). Ces produits exportés sont par définition vendus aux prix du marché mondial.
- Les Français consomment plus de jambon qu’il n’en est produit en France, il y a donc des importations importantes de jambon en provenance de différents pays européens (Espagne, Allemagne). Même si les consommateurs accordent de la valeur à l’origine France, il ne peut pas y avoir un écart de prix trop important entre les produits importés et les produits français sous peine de voir les consommateurs s’orienter massivement vers les produits importés.
L’évolution du modèle de production se fait donc constamment mais en tenant compte de la pérennité économique et de la compétitivité des éleveurs.
Malgré tout, l’élevage dit intensif fait preuve d’une grande efficacité dans son mode de production et est gage de performances environnementales : efficacité alimentaire, lutte contre le gaspillage des ressources (eau, énergie, aliments), réduction de l’utilisation des intrants (engrais, produits médicamenteux…).
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les exploitations de plus petite taille ont moins d’impact sur l’environnement, les exploitations qui ont pu se développer pour atteindre une certaine dimension peuvent investir plus pour progresser sur l’environnement.
8. Quelle est la taille des élevages Cooperl ? Où se situent-ils ?
Les adhérents Cooperl sont des agriculteurs, les chefs d’entreprise d’exploitations familiales. Avec en moyenne 250 truies par exploitation, la taille des élevages des adhérents Cooperl est bien en dessous de la moyenne européenne et internationale (812 truies au Danemark, 725 truies au Pays-Bas, 1165 truies en Espagne).
1 adhérent emploie en moyenne 2 salariés.
9. Pourquoi ne pas convertir plus d’éleveur en bio ou en élevage plein air ?
Il ne faut pas tirer de généralité sur les modes d’élevages alternatifs. L’élevage en plein air n’est pas toujours synonyme de vertu environnementale. Les animaux sont directement élevés sur des terres agricoles, ce qui ne permet pas toujours de maîtriser les flux d’azote selon la densité animale et la configuration - pente - des parcelles. De plus, l’élevage en plein air nécessite de mobiliser une superficie agricole très importante et les conditions de travail et de bien-être animal ne sont pas toujours optimales, notamment par temps chaud ou temps humide.
De plus, le marché du porc plein air ou bio existe en France mais il reste un marché de niche. La demande des consommateurs pour ces produits est limitée du fait de leur prix plus élevé. Elle est d’ailleurs déjà comblée par la production actuelle. Augmenter l’offre, sans avoir de demande, risquerait de déséquilibrer le marché et donc de mettre en danger les producteurs bio ou plein air actuels.
10. Qui sont les acteurs ? Travaillez-vous avec eux ?
La réglementation relève de la responsabilité de l’état qui dispose d’un pouvoir de police. Le rôle de la coopérative est d’aider les éleveurs à progresser. Les services administratifs, la profession agricole, le secteur de la recherche et les ONG ont l’habitude d’échanger leurs analyses afin de trouver des compromis dans la fixation d’objectifs de progrès. Les collectivités locales sont également parties prenantes dans la mise en place des politiques publiques, notamment à travers des projets territoriaux comme les plans de lutte contre les algues vertes. Cooperl et ses adhérents oeuvrent dans une logique d’ouverture et de progrès en déployant des solutions technologiques visant une réduction de l’impact sur l’environnement, tout en ayant la préoccupation de promouvoir une production qui réponde aux besoins du marché.
11. Comment est alimenté votre méthaniseur ?
Seuls deux intrants alimentent notre méthaniseur : la matière organique directement récupérée sous les animaux, grâce à nos installations TRAC, ainsi que les coproduits issus du traitement de l’eau utilisée dans les ateliers d’élaboration des viandes. Nos matières en entrée sont donc 100 % organiques et ce modèle présente les avantages suivants :
- - la matière en entrée est maîtrisée et standardisée, nous permettant ainsi de fournir une production de biogaz optimale,
- - il permet de valoriser des coproduits et ne mobilise donc pas de terres agricoles pour la production d’aliments ou de ressources spécifiquement dédiées à la production d’énergie.
Plus d’informations ici.
12. Qu’est-ce qu’un méthaniseur sans épandage ?
Le digestat sortant de notre méthaniseur, contrairement aux autres modèles de méthanisation, est séché et hygiénisé. Il rentre ensuite à 100 % dans la composition de nos engrais organiques naturels. Il n’y a donc localement pas de retour au sol, et cette technologie permet d’apporter de façon mesurée et précise la matière organique là où les cultures spécialisées en ont besoin.
Le méthaniseur est maintenu à une température optimale de production (38° C) grâce à l’énergie renouvelable que nous produisons sur notre propre site de production.